Théâtre
Personnage mythique : Antigone
Publié le 22/02/2011 à 13:38 - 5 min - Modifié le 18/03/2023 par le département Arts Vivants à la médiathèque de Vaise
Lorsque l’inspiration se tarit pour rédiger un article, on en revient spontanément aux questions de base : Qu’est-ce-qui m’a fait apprécier le théâtre ? J’étais alors au collège et nous devions monter une pièce de théâtre. Notre professeur choisit Antigone d’Anouilh. Tel a été le déclic et la passion pour ce personnage ne m’a plus quittée.
“Je suis née pour partager l’amour et non la haine”
Qui est Antigone ?
Antigone est l’héroïne tragique par excellence. Elle raconte son combat pour faire respecter la loi des morts, avec ses rites funéraires, qui lui semble plus juste que la loi des vivants.
Fille d’Œdipe et de Jocaste ; sœur d’Ismène, Etéocle et Polynice. Elle apparaît dans 2 épisodes mythiques d’importance inégale. Tout d’abord, modestement, aux côtés de son père lors de son exil volontaire à Colone. Puis s’opposant à la décision de Créon, après la mort de ses deux frères. Elle bravera l’interdiction d’enterrer Polynice pour lui assurer le repos et sera condamnée à mort.
Antigone incarne un idéal de droiture, de courage, d’indépendance et de foi en ses idées. Selon Hegel, elle est même “la plus noble figure qui soit apparue sur la terre.”
Selon George Steiner, il existerait plus de 200 versions du mythe d’Antigone à travers les siècles. Voici d’une manière très subjective les écritures de ce mythe qui m’ont profondément marquées.
Antigone de Sophocle, tragédie rédigée en 441 av. JC, clôt le cycle des Thébaïnes, après Œdipe Roi et Œdipe à Colone. Si Antigone refuse de se conformer à l’édit royal et à laisser son frère Polynice sans sépulture, c’est pour mieux se conformer à son devoir filial et religieux. Elle se refuse à laisser son âme errer éternellement sans jamais rejoindre le royaume d’Hadès.
Cette version créatrice d’Antigone interroge la relation entre les vivants et les morts et la puissance du religieux dans la société.
Une des traductions les plus célèbres est celle du poète romantique allemand Hölderlin. Le poète y fait apparaitre, outre une langue merveilleuse, l’articulation politique et non plus seulement religieuse du mythe.
Avec Antigone de Jean Cocteau créera ce qu’il appelait “une contraction” de la version originale de Sophocle en 1922 : courte pièce en un acte de 25 pages qui reprend tous les personnages antiques. Il inaugure en outre les différentes pièces de Cocteau inspirées de tragédies antiques.
L’auteur a joliment expliqué son choix du mythe d’Antigone en disant qu’elle était “sa sainte”.
Antigone de Jean Anouilh est sans doute la réinterprétation la plus connue. Jouée pour la première fois en 1944, en pleine occupation allemande, elle met en scène une Antigone qui n’a plus rien à voir avec une quelconque part sacrée du monde. Cette Antigone là est seule, plongée dans un monde ordinaire absurde. Elle refuse de vivre dans ce lot de banalités tandis qu’elle s’était fait une très haute idée du Bonheur. Il y a chez elle une obstination à mourir à la fois mystérieuse et désenchantée. On se sent à la fois très proche d’elle, dans une sorte d’exaltation absolue de la jeunesse tout en éprouvant un immense gâchis de tant d’idéalisme.
NB : L’excellente interprétation de Barbara Schulz et Robert Hossein, mise en scène par Nicolas Briançon, est disponible en DVD
Tout comme celle d’Anouilh, l’Antigone de Bertolt Brecht incarne un personnage révélateur de l’Histoire du siècle. Si chez Anouilh, elle peut être vue comme une allégorie de la résistance, elle met en lumière chez Brecht la chute du IIIe Reich, en se situant explicitement en 1945.
Époque contemporaine :
Dans la pièce Mardi d’Edward Bond, datant de 1995, l’auteur revisite le mythe d’Antigone à travers une jeune anglaise d’aujourd’hui.
Noces posthumes de Santigone de Sylvain Bemba de 1995 est écrit d’après Antigone de Sophocle…
Dans Antigone (42) de Jean-Marc Lanteri, datant de 2002, l’auteur met en scène une femmes qui a été une héroïne de guerre. Antigone (42) étant le surnom d’une femme anonyme du ghetto de Varsovie.
La pièce Antigone ou Le passage de l’Erèbe de Monique Castaignède de 2006 est inspirée du mythe de la fille d’Œdipe Antigone. Victime à son tour de la malédiction familiale, celle-ci a refusé de se soumettre à Créon et a rendu les honneurs à son frère Polycine. Elle dialogue ici avec Hécate, la messagère des Enfers.
Dans le pièce de Jean-Pierre Siméon, Antigone : variation à partir de Sophocle de 2016, le poète romancier reprend l’œuvre classique pour lui donner les lettres de ce siècle.
Le texte Antigonick d’Anne Carson de 2019 raccourcit la fable et la radicalise. Son adaptation s’illustre par son humour et l’audace des commentaires qu’elle insère. L’œuvre gagne en radicalité politique et en modernité.
Dans le récit-témoin Neuf mouvements pour une cavale de Guillaume Cayet, datant de 2020, une sœur raconte l’histoire tragique de son frère, paysan assassiné par un gendarme.
Incarnation du potentiel révolutionnaire des femmes, l’Antigone de Darja Stocker (2020) est plurielle, elle jette des ponts entre les vivants et les morts. Avec son diptyque Nulle part en paix, Antigone est la figure de proue d’une génération révoltée qui croit en la possibilité d’une résistance et d’une solidarité mondiales.
Et une petite citation pour finir :
Je ne suis pas née pour haïr mais pour aimer (Extrait de Sophocle)
J’espère que cet article vous aura donné le goût d’Antigone !
A bientôt pour de nouveaux personnages mythiques des Arts vivants !
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